par Sébastien Dutreuil - Chercheur au CNRS
La « Terre » est redevenue ces dernières décennies le centre d’une attention savante et politique comme elle pouvait l’être au XVIIIe et au XIXe siècle. Les changements globaux et l’anthropocène ont suscité un « tournant planétaire » qui a affecté l’ensemble des savoirs, des sciences de la nature aux sciences humaines et sociales. À l’origine de ce tournant planétaire, les sciences du système Terre ont présenté une nouvelle conception de la Terre et proposé des concepts — comme ceux d’anthropocène, de tipping elements ou de limites planétaires —, articulant des réflexions théoriques sur la nature de la Terre et des propositions normatives sur le rapport anthropologique et politique que nous devrions entretenir avec la Terre. Les sciences du système Terre se sont également présentées comme un savoir global et total sur la Terre. Je montrerai qu’elles réactivent ainsi un genre scientifique abandonné après le XVIIIe siècle, celui des théories de la Terre ; et qu’elles doivent être comprises comme une théorie de la Terre parmi d’autres, élaborées depuis des perspectives situées, et qui ont de nouveau proliféré depuis la seconde moitié du XXe siècle.